Horreur, malheur ! La cloque du pêcher a frappé ! Comme chaque année. les feuilles ne vont pas du tout, elles sont malades ! Elles se boursoufflent, se recroquevillent, s’empourprent. Elles cloquent. Alors que faire ? Accrocher des coquilles d’oeufs, planter de l’ail, traiter à la bouillie bordelaise ?
Moi je ne fais rien. Pour vous aider à comprendre pourquoi, je vous invite à de découvrir cette maladie.
La cloque du pêcher qu’est ce que c’est ?
Le responsable de la cloque du pêcher est un champignon. Il s’appelle Taphrina deformans. Comme son nom est un peu trop long à mon goût j’ai décidé de l’appeler « Tad » dans cet article. Il se diffuse grâce à des spores. Celles-ci n’hivernent ni dans le sol ni dans le compost. Il ne sert donc à rien de faire brûler les feuilles cloquées ni même de les ramasser).
Les spores se cachent un peu dans les anfractuosités des rameaux mais surtout, entre les écailles des bourgeons. Bien camouflées, protégées, rien ne peut les atteindre : ni les éventuels traitements des jardiniers ni le gel.
Les variétés sont plus ou moins sensibles à la cloque. Mais aucune n’est réellement résistante.”
D’autant que contrairement à beaucoup de champignons, Tad aime les fins d’hiver et les printemps frais. Dès que les bourgeons commencent à “débourrer”, que les écailles s’écartent et donc que les tissus des futures feuilles pointent leur nez (ce que l’on appelle le stade “pointe verte”) les spores peuvent germer. Elles pénètrent les tissus végétaux. Puis le mycellium se développe et au fur et à mesure que les feuilles poussent. Alors elles cloquent. Tad se développe et fructifie. Si on observe la face inférieure des feuilles cloquées, on peut voir un fin voile duveteux. C’est une production de spores qui se déposent dans les anfractuosités des rameaux, sur les bourgeons en formation.
Attention : nous arrivons à un moment crucial de l’histoire de Tad : s’étant reproduit, son cycle est terminé. Alors, les feuilles atteintes tombent. Puis de nouvelles apparaissent et, ô surprise, elles sont saines. Pas la moindre trace de cloque. D’ailleurs il fait trop chaud pour Tad. Il s’endort jusqu’à l’année prochaine, sous forme de spores, sous les écailles des bourgeons de son pêcher
La cloque du pêcher, c’est grave ?
Non. On lit partout que la cloque du pêcher peut considérablement réduire la productivité des pêchers . Voire, en cas d’attaques graves et successives, faire mourir les arbres. “On”… exagère ! Et même on abuse.
Il est vrai que l’on peut voir mourir de JEUNES plants de moins de 3 ans avec la cloque. Mais jamais de la cloque seule. Elle s’est simplement ajoutée à d’autres problèmes existants : la chlorose , un stress hydrique l’été précédent etc .
Chers jardiniers rassurez-vous : dans les jardins amateurs (sauf rare ) exception, la cloque du pêcher n’a aucun impact sur l’arbre. Les feuilles cloquées continuent de faire de la photosynthèse. Elles sont de toute façon rapidement remplacées par un feuillage sain. Heureusement d’ailleurs puisqu’il est quasi impossible aux pêchers de ne pas héberger la cloque. Même si certaines variétés sont moins atteintes que d’autres. Donc pas d’épuisement pour les arbres cloqués.
Par ailleurs la maladie n’affecte pas du tout la floraison et la fructification. Si des pêches, nectarines ou brugnons tombent… ce n’est en rien la faute de la cloque. Il faut chercher ailleurs ce qui provoque ces pertes
La cloque est une maladie de jeunesse : l’intensité des attaques diminue au fur et à mesure que l’arbre vieillit. La cloque c’est l’acné du pêcher : c’est moche mais ce n’est pas grave et cela finit par passer.
Y a-t-il de la cloque du pêcher sur des pruniers, groseilliers … ?
Le champignon responsable de la cloque du pêcher, Taphrina deformans n’attaque que ces dernier. C’est à dire ceux qui portent des pêches mais aussi des brugnons et nectarines. Ainsi que les amandiers.
Taphrina pruni est un champignon qui provoque la « maladie des pochettes » des pruniers . Les symptômes sont complètement différents de ceux de la cloque du pêcher. Les fruits sont curieusement aplatis et allongés, creux et sans noyaux.
Parfois on croirait pourtant voir de la cloque sur certaines plantes. L’explication est à chercher ailleurs. Ainsi les feuilles boursouflées des petits fruits ont pour origine les piqûres du Puceron du groseillier (très difficile à voir). Celles de la vigne sont un signe d’érinose, d’attaques d’un acarien.
Que peut-on faire contre la cloque ?
Pas grand-chose. Planter d’ail ou de raifort (de capucine, lavande …) ou des tiges de cuivre au pied des pêchers, pulvériser des purins, de l’huile essentielle etc… Tous ces “trucs” et “recettes” contre la cloque du pêcher n’ont jamais été utilisés par les générations de jardiniers qui nous ont précédé.
Il n”existe de fongicide réellement efficace contre la cloque du pêcher. Seulement un produit qui n’est que préventif : le cuivre.
Non non ne criez pas trop vite que le cuivre est mauvais pour le sol !
Son excès l’est bien bien sur … mais pas la molécule en elle même. Les pollutions des sols s’observent que dans des vignobles sulfatés pendant des quarts de siècles au moins, nulle part ailleurs. Le cuivre ne tue pas les champignons. Il forme simplement un film sur les plantes qui empêche la germination des spores des champignons.
D’où vient le manque d’efficacité de la bouillie bordelaise et cie? Dans le cas de la cloque, les spores sont déjà sur place, cachés sous les écailles des bourgeons. Aussi faut-il guetter un moment bien précis pour pulvériser un produit cuprique : le fameux stade “pointe verte . Avant cela ne sert à rien après c’est trop tard (puisque le cuivre ne tue pas les champignons).
Par ailleurs pulvériser un produit sur un arbre, dans la pratique, c’est compliqué. Les producteurs utilisent un appareillage spécifique qui enveloppe les arbres d’une brume de produits : ils les « nébulisent ». Difficile de faire de même avec un pulvérisateur.
Pas facile le traitement contre la cloque du pêcher :non seulement il faut repérer précisément le bon moment (le stade “pointe verte”) mais soigneusement viser TOUS les bourgeons de l’arbre.
Et les coquilles d’oeuf alors ?
C’est un cas d’école étudié en cours de phytopathologie.
Il était une fois des Romains qui désespéraient de voir leurs cultures ravagées. Durant l’Antiquité on ne connaissait pas les cycles de vie des maladies, ravageurs et parasite. Seul recours à part les sacrifices et la prière : l’appel à la pensée magique.
Ainsi les Romains accrochaient aux branches des arbres ou fichait sur des pieux aux quatre coins des champs… des crânes d’animaux. Censés annoncer “Gare ! la mort vous guette” pour éloigner les pestes.
Par la suite les coquilles d’oeufs se sont substituées aux crânes. Ils évoquaient ces derniers et donc la mort… avec la même efficacité : aucune. Les spores de la cloque ne sont pas effrayées par les coquilles d’oeufs. Qui n’émettent pas de rayonnement, ne diffusent pas de calcium.
Quel truc contre la cloque marche ?
Aucun à ma connaissance. Mais peut-être qu’un purin de prêle, un macérât d’ail ou un autre truc pourrait avoir une action. Qui sait ? Pour le vérifier… testez-le. Mais expérimentez avec objectivité. Pour cela quelques règles toutes simples :
- Ayez un arbre « témoin » c’est à dire sans le truc testé et à proximité du pêcher « soigné »
- Notez : date de la floraison, météo du jour, pourcentage de feuilles atteintes, date de l’apparition des nouvelles feuilles …
- Comparez les observations entre le pêcher testé et son témoin.
Observez-vous une différence entre les deux ?
En attendant la cloque du pêcher nous donne, à nous jardiniers, deux leçons. Nous n’avons pas de solution à tous les problèmes rencontrés par les plantes que nous cultivons. Et ce qui nous semble un problème ne l’est pas forcément. Apprenons donc à relativiser et à observer.
Par Guylaine Goulfier – Oh! Un jardin