« Attends les saints de glace avant de planter» ! Vous avez certainement entendu ce conseil et ce à tel point qu’il est devenu quasiment une règle. Mais qu’est-ce que c’est que ces fameux « saints de glace » ? Et à quelle date les fête t’on réellement ? Et puis, faut-il vraiment suivre à la lettre ce conseil ?
Je vous propose de découvrir non seulement les Saints Mamert, Pancrace et Servais mais aussi tous les dangers que peuvent courir le jardin au printemps. Et bien sur comment s’en prémunir et protéger semis et plantations.
Par Guylaine Goulfier- Oh! Un jardin
Avril et mai : les mois du gel sournois !
Mais pourquoi de tout temps, ce mois d’avril (et un peu celui de mai) est-il dangereux pour les plantes, même celles qui ne sont pas frileuses ? Parce que le printemps s’installant, les températures sont de plus en plus douces. Partout on voit la végétation se réveiller. Les graines germent, les bourgeons s’entrouvrent (ils « débourrent »), les tendres pousses se développent, les premiers arbres fruitiers fleurissent…
Or chaque année, depuis toujours sous notre climat tempéré on observe au mois d’avril, l’arrivée d’un période froide alors que la douceur s’était installée. Si les températures dépassent les 10°C (et souvent bien plus) dans la journée… elles chutent la nuit lorsque le soleil se couche. Parfois elles deviennent négatives : il gèle. Il est trop tôt pour que le sol ait pu emmagasiner la chaleur du jour et la restituer la nuit. Les jeunes tissus végétaux sont gorgés d’eau. Elle se prend en glace sous l’effet du froid. Le dégel le lendemain leur est fatal.
Attention à la lune rousse !
Lorsque le froid sévit et que les jeunes pousses « brûlent » sous le mordant du gel, elles meurent, se nécrosent et roussissent. C’est pour cette raison que l’on appelle « lune rousse », une période où les nuits glaciales suivent des journées clémentes. On a traditionnellement fixé ce laps de temps à la lunaison qui suit Pâques. C’est donc une période mobile. En 2024, la lune rousse s’étale du 8 avril jusqu’au 8 mai.
Le saviez-vous ? Il existe l’exact opposé à cette période de froid arrivant alors que la douceur c’est installée. En automne, vers le 11 novembre, lorsque le froid est déjà présent, les températures se fond de nouveau clémentes . Il s’agit de « l’été de la Saint Martin ». Que les Américains du Nord appelle l’été indien.
Connaissez-vous les « chevaliers du froid » ?
Nos aïeux ont estimé que cette période glaciale au milieu du printemps, celle où le gel peut sévir, s’étale du 23 avril au 6 mai (dans le calendrier actuel mais pas forcément dans l’ancien comme expliqué plus bas). Georges, Marc, Vital, Eutrope… les Saints qui sont célébrés durant cette quinzaine sont nommés « chevaliers-ou cavaliers-du froid ». Rabelais les désignait comme des « gresleurs, geleurs et gasteurs de bourgeons »
Mais à quel Saint se vouer ?
Le 11 mai, lors de la Saint Mamert… on fête pourtant Sainte Estelle dans le calendrier. Le dicton dit qu’une pluie à la Sainte Opportune, le 22 mai, » ne donne ni cerise ni prune » or nulle trace de cette sainte ce jour-là. Que se passe t’il ? L’Eglise catholique comprend bien plus de 1 000 saints. Impossible de les commémorer tous dans l’année. A moins que certains se partagent une même journée. Mais lequel d’entre eux mettre en avant dans le calendrier ? Longtemps ce furent les saints « météorologistes » comme Saint Médard, Saint Martin, etc. Mais dans les années 60, l’église, soupçonnant ces cultes d’un relent de paganisme, les remplaça par d’autres saints.
Saints de glace : qui sont ils ?
Les 11, 12 et 13 mai de notre calendrier actuel (oui, j’insiste. Vous verrez pourquoi dans le chapitre suivant), sont célébrés respectivement Saint Mamert, Saint Servais et Saint Pancrace. Traditionnellement on établit que ces trois derniers jours marquent la fin de cette période où sévissent les gels.
Pour en comprendre l’origine, remontons au Vème siècle. Mamert est alors évêque de Vienne et sa de nombreuses calamités affligent la région : inondations, sécheresses famine mais aussi invasions barbares (Huns, Goths), tremblements de terre, épidémies… Mamert conçoit alors alors le projet des Rogations : 3 jours de jeûne, de prières en processions dans les champs pour invoquer la clémence de Dieu. Les Rogations s’appliquèrent ensuite dans le pays les trois jours précédents l’Ascension. C’est à dire à l’époque où le gel sévir. Dès lors rien d’étonnant que lors des Rogations on prie le Seigneur de protéger les cultures du froid glacial. C’est ainsi que Mamert fut associé aux derniers risques de gelée. Et il devint un « saint de glace ». Sa fête liturgique fut alors fixée à une date que l’on observait alors comme étant celle de la fin de la période glaciale : le…28 avril.
Les Saints de glace sont en avril… pas en mai !
Le 28 avril et non pas le 11 mai alors ? Pourquoi ce décalage ? A cause d’un changement de calendrier. En 1582 le calendrier Julien a laissé la place au calendrier Grégorien et a ainsi perdu plusieurs journées. Ainsi au lendemain du 8 décembre 1582, la nouvelle date du jour est le 14 décembre. Toutes les fêtes liturgiques fixées précédemment se retrouvèrent ainsi décalées. Celles des Saints de glace qui étaient les 28, 29 et 30 avril se trouvèr célébrées mi mai.
Observez : les risques de gel cessent en effet à la fin avril, (et de toute façon, les tissus végétaux sont moins fragiles). L’historique des relevés de météo France le confirment : depuis 1936 le gel n’a sévit que 4 fois sur l’ensemble du territoire. Des gels localisés ne sont toutefois pas exclus : ce sont les exceptions qui confirment la règle.
Faut-il se fier aux Saints de glace et que faire ?
Ces 3 jours de « saints de glace » n’ont jamais été une règle à appliquer scrupuleusement mais un repère. Ils nous rappellent qu’avril est une période dangereuses pour les végétaux que nous cultivons. Et que ces risques peuvent se prolonger en mai. En fait tout dépend de l’endroit où nous habitant et de la météorologie de l’année. Ceux qui vivent dans le littoral breton bénéficient d’un micro-climat doux et n’ont aucun intérêt à attendre les Saints de Glace pour planter des végétaux frileux tandis que les jardiniers montagnards patienteront plus longtemps pour s’y risquer.
« En avril ne te découvre pas d’un fil,
en mai fait ce qu’il te plait
… mais si besoin mets
des voiles »
Que faire alors ? Evaluer la météo de l’année, scruter les prévisions et garder des voiles d’hivernage à portée de main ! Ces voiles blancs sont en polypropylène non tissé. Contrairement aux films et bâches plastiques, ils laissent passer l’air, la lumière et l’eau. Sous ce couvert la température s’élève de 2-3°C. Selon les températures prévues on peut donc ajouter plusieurs couches de voiles.
Je consulte ainsi la météo agricole : https://www.meteo60.fr/previsions-meteo-agricole-villeneuve-sur-yonne.html
Et pour les grands arbres, les plantes grimpantes… ? Et bien accepter que l’on ne puisse pas toujours agir (jardiner apprend l’humilité) et invoquer la clémence des cieux.
Qu’est ce que c’est…l’effet de serre ?
Le soleil émet des rayons infra-rouges qui apportent de la chaleur. Ils viennent frapper le sol où ils sont réfléchis. Le verre, le plastique ou un voile en polypropylène piégent une partie de ce rayonnement et créent donc des abris sous lesquels la température va être bien plus élevée qu’à l’extérieur. Le jardinier utilise ce phénomène pour protéger les plantes frileuses en installant des châssis (des coffres en bois surmontés de plaques de verre), des tunnels, des cloches, des voiles d’hivernage…