Des brassées de fleurs, une haie vibrante d’abeilles et de dodus bourdons, des envolées colorées de papillons aux ailes soyeuses… Vous aussi vous rêvez d’un jardin rempli de ces petits cupidons ailés ? Mieux encore : de participer à leur sauvegarde ?
Pour cela un mot d’ordre : cultiver la biodiversité ! Et offrir des lieux de vie pour la multitude de pollinisateurs divers et variés qui peuvent fréquenter le potager. Cet article vous invite à mieux les connaître afin de savoir comment les attirer.
Par Guylaine Goulfier-Oh! un jardin
Tout un monde de pollinisateurs
Abeilles et bourdons, syrphes, cétoines, morosphynx … Les pollinisateurs sont très variés. Leurs besoins le sont donc aussi. Voici donc un panel des principales familles de butineurs.
Les abeilles « à miel »… mais pas seulement
Lorsque l’on évoque les pollinisateurs ce sont bien sur les abeilles qui nous viennent à l’esprit. Les abeilles domestiques, celles qui sont dites « à miel ». Tout comme les fourmis, ce sont des insectes sociaux. Mais connaissez-vous leurs cousines, les abeilles « sauvages » , qui ne forment pas de colonies ? Il s’agit de pollinisateurs majeurs. Leur corps est parfaitement adapté à la récolte et au transport du pollen. Il est en effet doté de brosses de soie, de « corbeilles » , d’un pelage plumeux et accrocheur…
Osmies, halictes, collètes, mélittes, mégachiles… il existe 831 espèces d’abeilles sauvages en France. Ces insectes ne forment pas de colonies et ne produisent pas de miel. Ils ne récoltent du pollen et du nectar que pour eux-mêmes, ainsi que pour leurs larves. Les abeilles sauvages sont certainement les meilleurs butineurs de nos champs et jardins. Elles assurent à 84% la fécondation de nos plantes agro-alimentaires.
Comme elles supportent souvent des températures assez basses, une faible luminosité et un temps pluvieux, ces abeilles butinent sans cesse. Ce faisant, elles perdent 90% du pollen récolté, une aubaine pour les fleurs qui recueillent cette semence dispersée. Les espèces d’abeilles solitaires sont aussi nombreuses que les fleurs qu’elles butinent et ce tout au long de l’année.
Elles ont aussi un autre atout. Comme elles n’ont pas à défendre de colonie et à accumuler un stock de miel, elles ne sont pas agressives. D’ailleurs la plupart d’entre elles sont dépourvues de dard.
Vaillants, puissants et laborieux : les bourdons
« Des champs », « des pierres », « terrestre », « des prés »… les bourdons visitant le jardin et ses alentours sont légion ! Il s’agit d’un pollinisateur très appréciable. En effet, enveloppé d’une épaisse fourrure, le bourdon est bien plus rustique que les abeilles. Il est en activité avant la fin de l’hiver et il butine dès le lever du jour. En été, après une pluie d’orage, il est le premier insecte à voler au dessus des fleurs.
Puissants, pesants, les bourdons sont aussi dotés d’une longue langue qui leur permettent de féconder des fleurs inaccessibles à d’autres pollinisateurs. C’est le cas des pois, des haricots et de nombreuses autres Fabacées. Ces insectes sont également précieux pour la fécondation des tomates, poivrons et des aubergines grâce à une technique de butinage très particulière : ils font vibrer leurs ailes à haute fréquence afin de libérer le pollen des fleurs.
Les bourdons collectent nectar et pollen tout au long de leur vie… qui ne dépasse pas une année. Ce sont des insectes sociaux qui forment de petites colonies annuelles. La reine hiverne dans le sol, entre des pierres, dans de vieux nids d’oiseau… À son réveil, avant la fin de l’hiver, elle recherche un nouveau logement, un nid qu’elle remplit de réserves de nourriture. Elle s’y enferme pour pondre et fonder une nouvelle colonie. En été les jeunes mâles et femelles apparaissent, volent et s’accouplent. Juste après les mâles, les ouvrières et l’ancienne reine disparaissent. Les jeunes reines, fécondées, butinent alors frénétiquement afin de faire des réserves et passer l’hiver.
Vive les papillons
Les papillons sont des pollinisateurs presque aussi efficaces que les abeilles. Mais comme ils n’ont pas à se soucier de nourrir leur progéniture, ils sont moins assidus au butinage. Ils « papillonnent » donc. Les papillons sont munis de trompes longues et fines. Celles ci leur permettent de capter le nectar de fleurs profondes, parfois inaccessibles à d’autres pollinisateurs.
Sea, sex and sun : un jardin oasis pour les papillons
Pour attirer les papillons, il est important d’avoir un jardin (non traité avec des pesticides, même « naturels ») rempli de fleurs variées à butiner et de plantes hôtes pour les chenilles. Mais pas seulement. Les papillons, pour prospérer pleinement, réclament aussi un solarium, une tour de guet, une buvette…
Réservez aux papillons les emplacements ensoleillés du jardin (orientés au sud, sud-est), ceux qui sont abrités du vent et des courants d’air. Installez-y des plantes et des arbustes nectarifères et, mieux encore, bordez l’endroit d’une haie champêtre et vous serez assurés de créer un camp de vacances particulièrement attractif pour les butineurs ailés.
On le sait rarement mais le papillon est un insecte territorial. Il a besoin d’un point élevé pour surveiller sa zone d’habitation. Laissez donc dans la haie une branche dépasser les autres ramures, des vivaces hautes s’ériger par-ci par là dans les massifs. Ce poste de vigie et le solarium décris plus haut sont nécessaires pour assurer les pariades (la formation des couples) des papillons.
Comme tous les animaux, les lépidoptères ont besoin de se désaltérer. Un bassin, une cuvette ou une toute petite flaque suffit largement pour les abreuver. À défaut les papillons peuvent se contenter d’une soucoupe remplie d’eau. Veillez simplement à ce que ces points d’abreuvement soient peu profonds ou à ce qu’un radeau improvisé (un fagot de bâtonnets) y flotte afin d’éviter les noyades.
Ces pollinisateurs auxquels on ne pense pas
Il existe autres pollinisateurs, mineurs certes mais pollinisateurs tout de même. Les coléoptères tout d’abord : cétoine, bupreste, cantharide…. Les plus gros d’entre eux sont considérés comme assez brutaux. En effet, certains dévorent la fleur et ses organes reproducteurs en recherchant son nectar. Ces insectes interviennent néanmoins dans la fécondation de plantes diverses : courges et autres Cucurbitacées, châtaignier…
Les diptères (des « mouches ») comptent aussi parmi les pollinisateurs. C’est le cas des :
– syrphes (de fausses guêpes qui font du vol stationnaire au-dessus des fleurs)
– bombyles (ils sont revêtus d’une fourrure et portent une longue trompe)
– des tachinaires
les mouches tout à fait communes comme la lucilie césar, la mouche bleue ou celle à damier ne sont pas en reste. Elles sont souvent poilues et aptes à transporter le pollen. Elles pollinisent ainsi les carottes, les panais, l’aneth et d’autres légumes et aromatiques de la famille des Apiacées.
Flower power : comment les fleurs draguent les pollinisateurs
La fleur est un instrument de séduction, une invention du végétal pour attirer les insectes nécessaires à sa fécondation. En effet elle attire dans sa corolle les pollinisateurs par une promesse de nectar ou de pollen. Les petits cupidons ailés se trouvent saupoudrés de ce dernier. Et ils transportent cette semence de fleur en fleur.
Depuis l’invention de la fleur les plantes rivalisent de stratégies pour attirer les butineurs. Elles affichent certaines couleurs et/ou développent des parfums attirant tel ou tel insecte. Des fragrances… plus ou moins suaves : la berce par exemple dégage une odeur d’urine fermentée irrésistible pour les mouches ! (cf « L’arum kidnappeur » en dessous)
Plus fort encore, parfois les pétales comportent des guides nectarifères. Il s’agit de points, de découpes, de lignes ou de taches qui orientent les pollinisateurs vers la source de nectar.
Certaines plantes vont très loin dans leur stratégie d’attraction des insectes. Ainsi des fleurs sans nectar n’hésitent pas à tromper les butineurs. C’est le cas de l’ophrys abeille. Cette orchidée possède un pétale qui possède le corps de la femelle d’une abeille sauvage. Elle dégage aussi l’odeur de cette dernière, ses phéromones. Le mâle croit s’accoupler avec sa belle et se couvre de pollen. Il va ainsi conter fleurette avec d’autres orchidées qu’il féconde alors.
Créons un jardin pour les pollinisateurs
Pour rendre le jardin le plus accueillant possible pour les butineurs il faut leur procurer une nourriture copieuse tout au long de leurs vies. Mais ce n’est pas tout. Le jardinier leur procurera aussi des endroits où pondre, s’abriter, hiverner.
Les besoins des pollinisateurs sont très variés. Le maître mot d’un jardin accueillant est donc « diversité ». Mélangeons, associons, mêlons le plus grand nombre de végétaux possible. Maintenons ou créons des milieux variés !
Offrons leur des fleurs
Cela paraît évident pour les abeilles. Vous trouverez d’ailleurs de nombreux mélanges de plantes mellifères proposés à la vente. Ils ne conviennent pas forcément aux autres pollinisateurs qui ont d’autres techniques de butinage. Ainsi si les trompes des papillons ou les longues langues des abeilles leur permettent d’accéder aux nectar camouflés au fond de corolles profondes, d’autres insectes eux ne pourrons y accéder. Ils butinerons des fleurs à l’accès plus facile, par exemple celles réunies en ombelles des Apiacées (de parfaites pistes d’atterissage). Offrons des fleurs variées aux différents butineurs d’accord mais faisons le tout au long de l’année (ou presque) et de jour comme de nuit. Voilà pourquoi la seule façon de tenir compte de la diversité des besoins des pollinisateurs, il est important de semer, planter et laisser pousser la plus grande variété possible de plantes à fleurs
Horaires des bars à nectar
Les fleurs ne sécrètent pas du nectar en permanence. Elles délivrent le précieux liquide, plus ou moins en fonction de l’évolution de la journée. Certaines fleurs baissent même concrètement le rideau de la buvette en refermant leurs corolles.
Voici quelques heures d’ouverture pour les bars à nectar :
- 9h : pissenlit, moutarde, sarrasin
- 11 h mélisse, sauge, hysope
- 13 h phacélie, bourrache, origan, trèfle..
- 15h : centaurée, vipérine…
Ensauvageonnons le jardin !
Si les adultes de pollinisateurs ont besoin du nectar et pollen et butinent, « papillonnent », de fleurs en fleurs, leurs larves, elles, sont plus sélectives. Chaque espèce d’insecte a sa plante hôte exclusive. C’est très évident avec les chenilles de papillons. Les femelles de Robert le diable par exemple butineront les buddléias, les lavandes ou autres fleurs mais ne pondront jamais sur ces dernières. Elles déposeront leurs oeufs sur des… orties. Car ce sont souvent des plantes spontanées qui servent de nurseries aux larves des insectes
Conservons donc quelques sauvageonnes dans les jardins : arbres autochtones dans des haies variées et champêtre, bandes de pelouse non tondue, couvre-sol spontané au pied des arbres et arbustes…
Voici par exemple quelques herbes folles pour les chenilles des papillons : achillée millefeuille, bouillon blanc, cardamine des près, carotte sauvage, eupatoire chanvrine, moutarde, rumex crêpu, plantain lancéolé, séneçon, vesce, chiendent, dactyle aggloméré, pâturin annuel.
Pensons aux arbres et arbustes
On pense souvent aux fleurs, aux plantes herbacées pour rendre le jardin accueillant. C’est très bien mais installer des plantes ligneuses, arbustives ou grimpantes, c’est encore mieux. Et pas seulement dans la haie mais aussi dans les massifs, contre les murs, en bac ou pot, etc.
Voici quelques arbres et arbustes favoris :
- des pollinisateurs : Ajonc d’Europe, amandier, arbousier, bruyère, bois joli, bouleau, camélia, cassissier, cognassier, cornouiller, daphné odorant, houx, laurier-tin, laurier des bois, mahonia, noisetier, oranger du Mexique, parrotie de Perse, pêcher, prunellier, prunier myrobolan, romarin, sarcococca, saule, spirée, viorne…
- des papillons : amélanchier, arbres aux faisans, aronia, aucuba, bérbéris, cornouiller mâle, cornouiller sanguin, framboisier, groseillier, houx, mahonia, néflier, pommier décoratif, rosier, skimmia, sureau noir, sureau rouge, troène…