“c’est du mildiou”! En été dès qu’il pleut, l’humidité installée et les températures douces, les conditions sont favorables au mildiou de la tomate (et de la pomme de terre). Pas de doute : depuis près de 200 ans qu’il existe, il est l’ennemi numéro un du potager.
Alors que faire ? D’abord le reconnaitre. Puis comprendre qui il est pour savoir comment lutter contre cette maladie fatale. je vous entraîne donc à la découverte du mildiou.
Par Guylaine Goulfier-Oh un jardin !
Mildiou, un fléau presque bicentenaire
Tout semble avoir commencé en Belgique, à l’été 1844. Des chercheurs belges observent alors des taches sur les feuilles des tubercules de pommes de terre qu’ils avaient fait venir, quelques mois plus tôt d’Amérique. Très vite les plant, tous atteints, succombaient à ce que l’on appela alors “la maladie”. Elle se répandit dans le Nord de la France, aux Pays Bas puis en Angleterre.
L’hiver qui suivit fut très rude qui vit les récoltes de céréales et de colza détruites par le froid. Les cultures de pommes de terre sont alors devenues un aliment nécessaire pour compenser ces pertes. Hélas, le printemps 1845 fut très humide et “la maladie” se développa de façon foudroyante dans toute l’Europe (jusqu’aux frontières de la Russie), détruisant des milliers d’hectares de pommes de terre.
Ce fléau fut particulièrement préjudiciable en Irlande où la pomme de terre était la base de l’alimentation (les propriétaires anglais exigeaient l’export de la quasi totalité des céréales produites sur l’île). On estime en effet qu’à cette période un ouvrier consommait en moyenne 6 kg de pommes de terre par jour.
Entre 1845 et 1850, la famine causée par le mildiou de la pomme de terre (et la situation politique de l’Irlande) tue plus d’un million de personnes et provoque l’immigration d’1,5 millions d’autres, notamment vers la côte Est des USA.
Longtemps, les agriculteurs restèrent désarmé face à cette maladie foudroyante… jusqu’à la découverte, inopinée, de la bouillie bordelaise (cf encadré plus bas). L’agent responsable du mildiou, identifié depuis août 1845, ne cesse d’évoluer tandis que la recherche sur la lutte contre cette maladie reste très active dans le monde entier.
C’est du mildiou ?
Des gaines brunes apparaissent sur vos tomates. Ce n’est pas forcément du mildiou. Une coloration noire des tiges de tomates peut être une simple réaction de la plante, par exemple un frottement contre le tuteur. Il pourrait s’agir du chancre bactérien ou du « pied noir ». Ou encore de la « moelle noire », du virus du concombre, du botrytis… En effet de nombreuses maladies provoquent ces chancres brun foncé sur les tiges des tomates. Ecartez les sans crainte : elles sont rarissimes dans les potagers français.
Par ailleurs un symptôme ne suffit pas à faire un diagnostic. La première chose à observer pour poser un bon diagnostic c’est le feuillage de vos plants. Je vous propose de deviner, sur les photos ci-dessous où se trouve notre terrible maladie.
A vous de jouer !
Regardez les tâches sur les feuilles. Lisez leur description. Alors, où se trouve le mildiou ?
Petites taches noires (2-4 mm de diamètre) parfois entourées d’un halo jaune sur les feuilles et les fruits
Petites taches noires (2-4 mm de diamètre) parfois entourées d’un halo jaune sur les feuilles et les fruits
Petites taches noires (2-4 mm de diamètre) parfois entourées d’un halo jaune sur les feuilles et les fruits
taches dans un premier temps vert sombre, puis deviennent rapidement brunes à noires plus ou moins arrondie avec de discrets motifs concentriques leur conférant l’aspect d’une cible.
Taches jaunâtre à la face supérieure des feuilles, feutrage olivâtre sous les feuilles. “
Taches jaunâtre à la face supérieure des feuilles, feutrage olivâtre sous les feuilles. “
Taches jaunâtre à la face supérieure des feuilles, feutrage olivâtre sous les feuilles. “
Projection de petites taches blanches, parfois assemblées en plage
Projection de petites taches blanches, parfois assemblées en plage
Projection de petites taches blanches, parfois assemblées en plage
Taches d’abord brunes et humides, surtout localisées en périphérie du limbe
Des taches apparaissent sur les feuilles, larges et diffuses. Elles sont d’abord jaunes puis brun-gris et elles se nécrosent vite, donnant l’impression que la plante est brûlée.
Des taches apparaissent sur les feuilles, larges et diffuses. Elles sont d’abord jaunes puis brun-gris et elles se nécrosent vite, donnant l’impression que la plante est brûlée.
Des taches apparaissent sur les feuilles, larges et diffuses. Elles sont d’abord jaunes puis brun-gris et elles se nécrosent vite, donnant l’impression que la plante est brûlée.
Réponses
1 : “mouchetures”
2 : alternariose
3 : Cladosporiose
4 : phytotoxicité
5 : “pied noir”
6 : mildiou
Là c’est du mildiou !
Lorsque l’on a vu le mildiou une fois on ne l’oublie plus ! Cela démarre assez modestement par quelques taches larges et diffuses. Elles sont de vert pâle à vert brun. Elles affectent ensuite toute la feuille, brunissent puis se nécrosent. A la face inférieure du limbe on peut parfois voir un discret et fugace duvet blanc (ouille : il s’agit de la production des spores du mildiou, prêtes à contaminer d’autres plantes).
Lorsque les conditions sont particulièrement favorables tout va alors très vite : les plantes ne tardent pas à se dessécher entièrement. On a l’impression qu’elles ont été brûlées.
Mais avant ce stade ultime, des chancres bruns sont visibles sur les tiges et les pétioles . Elles les ceinturent souvent plus ou moins.
Les fruits atteints à un stade précoce présentent des marbrures brunes très caractéristiques et ils souvent bosselés. Ils sont souvent ensuite envahis par des agents responsables de pourritures plutôt molles.
Une maladie … foudroyante
Le mildiou de la tomate et de la pomme de terre est une “maladie à foyer” : on voit d’abord des plantes malades réparties par zones dans le terrain. Des foyers donc. Puis ceux-ci s’étendent rapidement si les conditions climatiques sont clémentes.
C’est surtout une maladie foudroyante qui peut détruire tous les plants de tomates ou de pommes de terre en quelques jours. La qualité du sol et des soins apportés à la culture, l’utilisation d’éventuels extraits végétaux pour stimuler les défenses naturelles des plantes… rien n’y fait, la virulence du mildiou les déjoue.
Le mildiou qu’est ce que c’est ?
Quelle importance de savoir ce qu’est le mildiou me demanderez vous peut-être ? C’est primordial avec cette maladie. Il est nécessaire de bien le connaître pour savoir comment lutter contre lui. Et aussi pour écarter les milles et uns truc et astuce, les remèdes anti-mildiou anciens ou actuels.
Un drôle d’organisme, entre algue et champignon
On a longtemps cru que le mildiou était un champignon. Une moisissure plus exactement : en anglais “mildew” . Ce qui explique notre nom français de “mildiou”. Il reçoit son nom latin (et oui, chaque être vivant se trouve ainsi doté de l’équivalent d’un prénom et d’un nom) de Phytophtora infestans, en 1863.
Même s’il a des points communs avec les champignons (il développe comme un mycellium et se reproduit grâce a des spores libérées dans l’environnement), le mildiou en diffère complétement car il est un oomycète. Il fait partie des Chromistes. Ses proches cousines sont les algues brunes et les diatomées.
EN CONSEQUENCE : La douceur des températures importe peu au mildiou (il attaque dès 13°C), ce qui compte c’est l’eau. Une forte humidité atmosphérique (supérieure à 90°C) lui est indispensable. Cette sorte d’algue nécessite également la présence de gouttes d’eau (pluie, arrosage, rosée). Logiquement il ne supporte ni la sécheresse ni la canicule. Ce qui explique que certaines années, on ne voit aucune attaque dans le jardin. Le mildiou n’est pas une fatalité. Sauf lorsque le temps est doux, humide et pluvieux.
Non pas un mildiou mais des mildiou(s)
“Mildiou” est un nom générique. Mais cette maladie n’affecte pas toutes les plantes et les agents (des oomycètes donc) qui en sont responsables sont divers et variés et pour la majorité d’entre eux spécialisé sur une plante ou une famille botanique. Ainsi le mildiou de la vigne est Plasmopara viticola, celui des Cucurbitacées, Pseudoperonospora cubensis. Et si le mildiou de la tomate est le même que celui de la pomme de terre , Phytophora infestans, il ne contaminera jamais le poivron qui lui possède son propre mildiou spécifique : Phytophtora capsici. Bref, la famille des “mildious” comprend de nombreux membres qui vivent leur vie sans se soucier des autres.
Concentrons nous sur le mildiou de la tomate, Phytophtora que j’appellerai Phyphi pour plus de commodité (une familiarité que j’assume). Celui qui sévit aujourd’hui n’est plus le même qui est arrivé au 19ème siècle, et pas non plus celui que l’on observait en 1950. En effet Phyphi se décline en différentes lignées (US-6, US-7, US-8, US-17) qui sont arrivées sur notre continent au fil du temps : en 1948, 1979 puis dans les années 90. Chacune possède deux types sexuels (A1 et A2). Toutes les lignées peuvent se croiser en elles. Et ce n’est pas tout : elles peuvent également muter. C’est ainsi que sous le nom de “mildiou de la tomate” se trouve en fait une multitude de souches.
EN CONSEQUENCE : Cette capacité de reproduction, d’évolution et de mutation du mildiou rend la sélection de variétés résistantes (ou simplement moins sensibles) extrêmement difficile. Et impossible pour le jardinier qui sélectionne ses graines
Imaginons que vos tomates aient été attaquées par la souche X du mildiou (résultant du croisement entre la souche M et G) et vous grâce à une augmentation des températures (cf plus bas) vous ayez pu obtenir des fruits et ayez récupéré les graines. Ce qui est déjà une condition difficile à remplir. Imaginons de nouveau que les graines aient en un an acquis la résistance à la souche X du mildiou (ce qui est tiré par les cheveux, la sélection n’est pas si rapide) … qui dit que la souche X n’a pas évoluée elle aussi ? Et surtout que ce ne soit pas une nouvelle souche qui attaquerait vos pieds de tomates ? Malheureusement Phyphi est bien trop virulent pour que le jardinier puisse compter sur l’obtention de variétés qui lui soient résistantes. Les anciennes variétés sont tout aussi sensibles que les modernes.
Il pleut, il mouille : c’est la fête … au mildiou
- A l’attaque
Le mildiou de la tomate hiverne dans les sols . Au printemps même si les températures sont basses (13°C est l’optimum pour la contamination, pas le minimum), si l’humidité est élevée et le temps pluvieux, Phyphi émet des “sporanges” sortes de bourses contenant les spores. Ils sont très légers et sont diffusés par le vent et la pluie.
Les sporanges se déposent sur tous les organes de l’appareil aérien des plants. Le mildiou attend alors son heure. C’est à dire la présence de gouttes d’eau. Les sporanges libèrent alors des spores munies d’un flagelle qui vont circuler dans ce liquide. Puis ils vont germer et pénétrer la plante. L’opération se fait en 3-4 heures. Un mycélium envahit ensuite tous les tissus végétaux. Il le fait d’autant plus rapidement que la température s’élève jusqu’à 23°C. Les premières taches apparaissent entre 4 et 7 jours après les premières contaminations.
- Nouvelles contaminations
Une fois installé dans sa plante hôte, Phyphi émet de nouveaux sporanges qui sont de nouveau entraînés par le vent et la pluie, parfois sur plusieurs centaines de mètres. Ils peuvent ainsi contaminer de nouvelles plantes encore saines. Il suffit pour cela d’un peu d’eau liquide et d’humidité. Les nuits fraîches ? Le mildiou adore.
La seule chose qui l’arrête voire le désactive est l’augmentation et le maintien des températures. A 28°C la production de sporanges cesse et à 30°C et au delà il est inihilé. Si le plant n’est pas trop atteint il peut alors “guérir”, faire de nouvelles pousses saines.
- L’hiver du mildiou
Pour passer la saison froide Phytophthora infestans ne manque pas de stratégies. Les parties nécrosées de la plante sont remplies de sporanges qui se retrouvent plus tard dans le so où il peut rester au repos pendant plusieurs années.
Mais Phyphi peut aussi résider sous forme de mycélium dans des débris de pommes de terre malades que l’on a laissé en terre. Au printemps suivant ceux ci donneront naissance directement à des pousses contaminées… et contaminantes.
le mildiou de la tomate pourrait également résider sur des hôtes secondaires, plantes cultivées ou sauvages environnantes : baie de goji, datura, morelle noire, certaines ipomées…
Les repousses, les semis naturels assurent aussi sa survie. On soupçonne même que les graines de tomates issues de fruits atteints pourraient être porteuses de sporanges et participer à sa dissémination.
EN CONSEQUENCE : les techniques culturales sont de très peu d’utilité face à cette maladie. Ceci en raison du fait que le mildiou de la tomate et de la pomme de terre est “endogène” : il est absolument partout dans l’environnement. Aucun endroit n’en est exempt (à l’exception des lieux très urbaninés). Il se diffuse sur de longues distance grâce au vent et à la pluie. Passons en revue les conseils souvent donnés :
– La rotation des cultures : elle ne sert qu’à éviter que certains champignons du sol (on dit qu’ils sont “telluriques”) attaquent les racines des plantes. Ce n’est pas le cas de Phyphi (et d’aucune maladie à ma connaissance dans le potager amateur).
– couvrir le sol n’empêche pas la contamination par voie aérienne.
– Couper les feuilles du bas de la plante . Cela peut avoir de l’intérêt. Non pas parce qu’elles seraient les premières a être contaminées comme on le croit souvent mais parce que cela limite la surface d’attaque du mildiou et facilite l’application du traitement préventif.
– Ne plus tailler les plants de tomates. Ce serait compréhensible si les spores pénétraient les tissus végétaux via les plaies de taille mais ce n’est pas le cas. Ils passent par les stomates et parfois même directement à travers l’épiderme de la plante.
– les couvrir d’une bâche va limiter l’eau arrivant sur la plante… mais les côtés ouvert de cet abri laisse exposés les feuillages au transport du mildiou.
Envie de vérifier, d’approfondir ?
- Mais qu’ont donc vos tomates ? Utilisez donc à l’excellent outil de diagnostic par l’image qu’offre le site de l’inrae ephytia. Mais attention toutefois : cet organisme s’adresse à des professionnels. La très grande majorité des symptômes présentés (ainsi que leur gravité) ne concernent pas les potagers amateurs. Donc gare à ce que j’appelle le “syndrome du dico médical” : on a quelques boutons de chaleur et après lecture on se pense affligé de mille maux.
- Qu’est ce qu’un oomycète ? le blog de Gilles Domenech, Jardinons Sol Vivant : “Mildious et autres oomycètes : sont-ils des champignons ?“